SOUVENIRS DE CHASSE POUR CHRISTIAN

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A Monbaly, dans le bas Dauphiné, errent parmi les arbres des silhouettes d’enfants. Des ombres, en vérité, car deux guerres ont passé sur le domaine privilégié des bonheurs d’antan, et les enfants sont devenus des hommes, presque des vieillards. Mais René Chambe a conservé avec une étonnante fraîcheur le souvenir de ces temps innocents où les routes de campagne ne connaissaient que le roulement mesuré des voitures à chevaux, où petits et grands n’avaient distraction plus passionnante que la chasse.

Monde bruissant d’oiseaux, où l’apparition prochaine du premier rouge-gorge met au cœur des petits garçons une espérance presque sacrée, univers mystérieux des greniers du vieux château, hantés de chauves-souris suspendues, immobiles, au-dessus des coffres débordants de trésors désuets... On avait le temps, alors, de goûter chaque seconde du jour, le temps d’attendre patiemment et en rêvant beaucoup l’heure de recevoir la première vraie carabine, celle qui, remplaçant les fusils de bois, permettrait de participer à la chasse authentique, seul jeu digne des hommes épris d’espace et de liberté.

Mais il est d’autres armes que celles qui servent à tirer les oiseaux, et ce sont celles de la guerre. A l’aube du vingtième siècle, les grandes manœuvres feront un jour apparaître comme un présage les chasseurs alpins à l’horizon de Monbaly menacé, royaume d’un grand bonheur d’enfant, et qui n’est plus aujourd’hui qu’un souvenir de poète.

A la fois écrivain et soldat, René Chambe est la preuve vivante que l’alliance de la plume et de l’épée peut être couronnée d’une double victoire. Après avoir fait dans la littérature romanesque des débuts fort heureux, l’auteur de Souvenirs de chasse pour Christian s’est orienté vers le récit historique pur et, plus particulièrement, vers l’histoire de l’aviation. Ami et compagnon d’armes de Saint-Exupéry, c’est lui qui, aujourd’hui, occupe la première place dans la littérature française ayant trait à l’aviation.

Parmi les nombreux ouvrages qui ont consacré son talent et qu’ont distingués les prix de l’Académie française et d’autres jurys, il convient de citer Équipages dans la fournaise, ainsi que sa monumentale Histoire de l’aviation. Mais le général Chambe, qui a pris une part active à la victoire de 1945, a su trouver des inspirations diverses pour l’Escadron de la Gironde, qui lui valut un succès considérable, Le deuxième corps attaque, l’Épopée française d’Italie et, tout récemment, le Bataillon du Belvédère.

SELECTION DU READER'S DIGEST (OCTOBRE 1969)