Cloches Françaises_image003Pour que des Cloches Françaises chantent dans un Clocher d'Alsace

 

Souscription

( 1922 )

 

 

" Elles chantaient, les cloches d’Alsace.  Elles venaient du pied de la montagne et de loin et de bien loin ; voix de petites cloches et voix de bourdons de cathédrales... Elles s’élançaient du fond de la plaine voilée de nuages et montaient pour se fondre toutes ensemble au sommet de Sainte-Odile… "

    (Les Oberlé, René Bazin, page 190.)

 

 

C'était avant la guerre..

 

Aujourd'hui, ils sont et seront encore nombreux, pendant bien des années, les clochers d’Alsace devenus muets.

 

Parmi tant de crimes, d’atrocités, de vilenies commis par les Allemands, il n’en est peut-être pas, sinon de plus odieux, du moins de plus vilain que ce vol, ce rapt, ce cambriolage des cloches alsaciennes : toute l’âme d’un pays...

 

Dans les derniers mois de la guerre, l’ennemi, alors qu’il devait abandonner tout espoir de vaincre, dépêcha des agents spéciaux en Alsace-Lorraine.  Ces agents, munis de pleins pouvoirs, parcoururent les deux malheureuses provinces, multipliant les vexations et les marques de force.  Sous prétexte de réquisitions, ils se répandirent de village en village, choisissant de préférence les plus suspectés d’attachement à la France.

 

Cloches Françaises_image004Là, malgré les protestations des habitants et du clergé, leurs supplications, ils  forcèrent froidement et lâchement les portes des clochers, faisant main basse sur les cloches afin d’aussitôt les déporter prisonnières en Allemagne.

 

Autant de voix qui, au jour prochain de la Victoire française, ne chanteraient pas la libération du territoire, la Patrie retrouvée !

 

Vengeance basse !  Vengeance vile !  Vengeance allemande ! 

 

Au jour de l’armistice, parmi tant de faits émouvants et poignants, il en est un dont trois officiers français furent témoins.  Et ce fait ils ont juré ne pas l’oublier.  De plus, ils ont juré - au jour venu - d’agir.

 

 

Cloches Françaises_image005Une clameur nous accueillit sur la petite place.

- Vive, vive la France !

Bien des larmes coulaient.

Je ne me rappelle pas très bien si, à cette seconde, nos yeux à nous étaient bien secs.

Après tant d’efforts, tant de souffrances, le rêve se réalisait.

 

Au premier rang de la foule, le curé de Niedernai, l’abbé Joseph Zimmer, vieillard aux longs cheveux blancs, était debout.

Il se découvrit.

 

J'ai connu l’Alsace française, dit-il.

Je l’avais perdue.  Aujourd’hui, je la retrouve.  Que Dieu soit béni !…

Sa voix s’étranglait.

 

- Soyez bénis aussi, Messieurs.

Sa voix se brisa tout à fait.  De grosses larmes coulèrent de ses yeux.

 

- Nous avons un grand chagrin... Pardonnez à notre clocher d’être muet... Nous nous étions tant promis, au jour de l’arrivée des Français, de sonner nos cloches à toute volée...  C’est un crève-cœur...  Je ne peux pas vous dire...  Nous n’avons plus de cloches...  Les Allemands les ont emportées...  par vengeance !...

 

L' un d’entre nous - je ne sais plus lequel - répondit à peu près :

 

- Merci, Monsieur le Curé.  Consolez-vous.  Mieux que le chant des cloches, mieux que leur carillon de fête, est beau ce grand silence d’un clocher mutilé.  Par lui, davantage nous saurons mesurer le grand bonheur de vous arracher à l’odieuse oppression.

Quand à vos cloches, espérez en nous.

Nous habitons un grand pays généreux que vous connaissez bien – la France.

C'est le vôtre.

Cloches Françaises_image005

 

Le curé de la paroisse, le curé aux cheveux blancs, attend, là-bas, dans son petit presbytère, au pied des Vosges, l’annonce d’une bonne nouvelle.

 

Avec lui, tout le village attend.

 

Confiants en la légendaire générosité française, ils savent qu’au printemps prochain, quand refleuriront les vieux cerisiers d’Alsace, des cloches françaises chanteront, - pour la première fois depuis tant d’années, - en liberté dans leur clocher.

 

Ces cloches, c’est vous qui les leur aurez données.

 

R. C.,

Capitaine-Aviateur.