Le Général Chambe

Cavalier - Aviateur - Ecrivain

1889 1983

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Le Soldat

 

Destinée hors du commun que celle d’un homme qui fut tour à tour cavalier, aviateur, écrivain et qui participa aux deux plus grandes guerres qu’ait connues l’humanité.  Cette destinée s’inscrivit dans les cadres aussi divers que ceux du Dauphiné, du Limousin, de la Provence en passant par la Roumanie de 1916, la Russie de 1917 et l’Algérie de 1943.

 

Il fallut aussi un homme hors du commun, René Chambe, pour vivre intensément une telle destinée.  Épris passionnément de grandeur et de vérité, aimant d’amour ardent la France dans ce qu’elle a de plus noble et la Nature dans ce qu’elle a de plus vrai, il ne s’arrêta jamais d’agir et, l’écrivain au service des hommes, prit, lorsque l’heure fut venue, le relais du soldat au service du Pays.

 

Rien d’autre que la Mort, après 94 ans d’efforts réitérés, ne put arrêter le déroulement d’une vie si remplie d’éminents mérites et de belles oeuvres dont le long et brillant ruban ne pourrait être décrit que dans un épais volume.

 

Nous ne voulons pas attendre que cela soit fait et désirons, dès à présent, tracer le schéma d’une existence qui fut très longue mais surtout très grande.

 

 

 

René Chambe naît le 3 avril 1889 à Lyon. Il fera ses études chez les Dominicains d’Oullins et sa prime enfance s’écoulera joyeuse au château de Monbaly près de Bourgoin jusqu’à l’âge de 13 ans, âge cruellement marqué par la mort de son père.

Ses professeurs auraient aimé lui voir embrasser une carrière littéraire mais il choisira de servir dans l’armée parce qu’il a de l’enthousiasme et regarde obstinément la ligne bleue des Vosges.  Passionné de cheval, seule la cavalerie présente un réel attrait pour lui.  Il veut aller à l’école de Saumur et comme celle de Saint-Cyr n’y conduit pas inéluctablement, il décide, à 18 ans, de s’engager et il est incorporé au 10e régiment de hussards à Tarbes.

 

Promu sous-lieutenant le 1er octobre 1913, à sa sortie de l’École de Saumur.  Affecté au 20e dragons, il fait avec ce régiment la première partie de la guerre de 1914-1918 : entrée en Alsace-Lorraine en août 1914, bataille de la Marne, course à la Mer, opération de l’Yser en Belgique.

 

Au mois de décembre 1914, le sous-lieutenant Chambe quitte la cavalerie sur sa demande pour entrer dans l’aviation.

 

En janvier 1915, il est affecté à une escadrille de reconnaissance d’armée (5e armée, Gal Franchet d’Espérey).  Mais le 1er mars 1915, on crée les premières escadrilles de chasse.  Le sous-lieutenant Chambe est volontaire ; il est affecté à l’escadrille M.S. 12 qui va devenir bientôt célèbre.  Sous les ordres du commandant de Rose et du capitaine de Bernis, cette escadrille ne comprend que de jeunes officiers, la plupart issus de la cavalerie.  Certains visages de la M.S. 12 deviendront légendaires de Rose, Navarre, Pelletier-Doisy, pour ne citer que les plus illustres.

 

Le 1er avril 1915, le sous-lieutenant Chambe abat son premier avion allemand, comme passager de Pelletier-Doisy, pilote.  A cette époque, les appareils de chasse sont encore biplaces.  Le pilote conduit l’avion, le passager tire.  Il tire avec une carabine de cavalerie, coup par coup, avec un chargeur de trois cartouches.

Le combat a eu lieu à bout portant.  L’avion ennemi est tombé dans les lignes françaises. Pelletier-Doisy et le sous-lieutenant Chambe sont indemnes.  Ce duel aérien a un grand retentissement, car de telles rencontres sont encore exceptionnelles.  C’est en effet la cinquième victoire aérienne depuis le début de la guerre.  Les sous-lieutenants Chambe et Pelletier-Doisy sont faits chevaliers de la Légion d’honneur le jour même, par le général Franchet d’Espérey.

 

Le sous-lieutenant Chambe est nommé lieutenant.

L’escadrille M.S. 12 se couvre bientôt de gloire et va détenir longtemps le record des avions ennemis abattus.

Le lieutenant Chambe prend part ainsi à de nombreux combats.  Il passe son brevet de pilote sur le front, ce qui va lui permettre à la fois d’exercer le commandement d’une escadrille et de rester dans l’aviation de chasse (les avions de chasse étant devenus monoplaces n’ont plus de passager).  Première blessure de guerre, mai 1916.

 

Mais la Roumanie va entrer dans la guerre aux côtés des alliés.  Le lieutenant Chambe est désigné pour partir pour la Roumanie afin d’y mettre au point l’aviation de chasse roumaine encore inexistante et y prendre le commandement de cette première escadrille de chasse franco-roumaine constituée avec des avions français (Nieuport).

Voyage long et difficile pour parvenir en Roumanie, en passant par l’Angleterre, la Norvège, la Suède, la Finlande, la Russie, la Roumanie jusqu’à Bucarest.

 

Le lieutenant Chambe prend part à toutes les opérations de guerre de la Roumanie, sur le front, avec l’escadrille de chasse qu’il est parvenu à constituer (3 pilotes français, 3 pilotes roumains, 1 pilote anglais, 2 pilotes russes).  Il connaît ainsi les premiers succès en Bulgarie, en Transylvanie, puis les revers d’Olténie, la terrible retraite dans les boues de Valachie, l’arrivée de la neige, l’épouvantable hiver de 1916-1917, les froids de –30° dans les Carpates, la famine, le typhus exanthématique.

Mais l’escadrille N1 n’a pas cessé de combattre.  Elle a abattu de nombreux avions allemands ou autrichiens.  L’été revenu, la Roumanie tente de reprendre l’offensive.

 

Août 1917, le capitaine Chambe (nommé capitaine le 25 décembre 1916), est blessé en combat aérien, alors qu’il attaque seul deux avions allemands au-dessus des Alpes de Transylvanie.  Il peut néanmoins revenir atterrir dans les lignes russes, où il est secouru et soigné.

Ne pouvant être traité efficacement pour retrouver l’usage de sa jambe gravement atteinte, le capitaine Chambe est évacué sur la France.  Il repart ainsi, seul avec deux cannes, à travers la Russie, en proie déjà à la révolution.  C’est octobre 1917. Pénible et périlleux voyage, coupé d’incidents.  Retour par le même itinéraire parcouru en sens inverse dix-huit mois auparavant : Russie, Finlande, Suède, Norvège, Angleterre, France.

 

Soigné en France, le capitaine Chambe peut reparaître sur le front français en mars 1918.  Il est adjoint au commandant de l’aéronautique du 10e corps d’armée.  Il prend part ainsi aux opérations décisives qui se déroulent au printemps devant Verdun et en Champagne, puis en Artois, où la fortune des armes demeure longtemps en suspens.

 

L’été venu, l’ennemi plie enfin.  Son front cède.  L’aéronautique du 10e corps est alors face aux Vosges.  C’est octobre 1918. 

Le capitaine Chambe a pris depuis deux mois le commandement de cette unité aérienne qui compte quatre escadrilles dont trois divisionnaires.  C’est un commandement important pour son grade et son âge.  Il a la chance d’entrer ainsi en Alsace, à Strasbourg, avec ses équipages, aussitôt après l’armistice de 1918 (22 novembre), avec l’armée du général Gouraud, à laquelle appartient son unité.

Puis c’est le temps de paix.

 

Le capitaine Chambe, officier de cavalerie, opte définitivement pour l’aviation, où il sert depuis quatre ans et où il finira sa carrière.

Il sera successivement officier d’État-Major, chargé des questions d’aéronautique au 14e corps, commandant de groupe dans une escadre.  Nommé commandant, il est désigné pour devenir le chef d’État-Major du Groupement d’Aviation de Bombardement (c’est-à-dire de l’ensemble des forces de bombardement de jour et de nuit de l’aviation française) aux ordres du général de Goÿs, à Paris.

Le général Denain, ministre de l’Air, l’appelle auprès de lui, à son Cabinet militaire, où il exerce les fonctions de sous-chef de Cabinet, chargé des questions d’informations et d’expansion aériennes. C’est 1934.

 

Deux ans plus tard, le lieutenant-colonel Chambe qui, entre temps, a créé sur les indications du général Denain le service historique de l’Air (homothétique du service historique de l’armée) est nommé directeur des Etudes à l’École de l’Air (le Saint-Cyr de l’aviation), laquelle vient d’être créée.

 

Au printemps de 1938, il prend à Lyon le commandement de la 35e escadre de bombardement de nuit.  Cette escadre est mobilisée et reçoit ses missions de guerre au moment de la tension de Munich en août 1938.

 

La trêve survenue, le colonel Chambe effectue avec toute son escadre, à titre d’entraînement de guerre, une des premières traversées aériennes en unité constituée de la Méditerranée, de Marseille à Tunis sans escale, ceci sans incident.  Les liaisons radio, spécialement étudiées, ont remarquablement marché.  Ce voyage poursuivi de Tunis jusqu’au Maroc, avec retour en France par le même chemin toujours sans incident a été probant.  Une escadre entière peut ainsi être lancée, de jour ou de nuit, sur de longues distances.  Au cours des traversées de la Méditerranée, de l’escadre (115 hommes en l’air), aucun équipage n’a été perdu, ni s’est trouvé en difficulté.  Le temps a été cependant très difficile au retour.

 

Mais la tension monte de nouveau en Europe. Le colonel Chambe reçoit l’ordre secret en février 1939 l’affectant, en cas de guerre, au commandement des Forces Aériennes (aviation et artillerie de D.C.A.) de la 7e armée.  C’est un commandement d’officier général.

 

Cette armée sera aux ordres du général Giraud.  Et c’est la seconde guerre mondiale.

 

Le 3 septembre 1939, le colonel Chambe réunit son état-major aux environs de Reims, où se concentre la 7e armée, en position centrale.

En novembre, cette armée est portée face à la Belgique.  Elle se déploie le long de la frontière belge, en situation d’attente, en prévision de l’invasion (certaine) des Pays-Bas par les armées allemandes.

Les forces d’aviation de la France apparaissent singulièrement faibles et peu nombreuses au regard des forces aériennes allemandes.  Le général Giraud a pris en estime et en affection le colonel Chambe, à qui il accorde toute sa confiance.  Poussé par ce dernier, il ne cesse de réclamer l’accroissement des forces d’aviation de son armée, car l’effort (tous le pressentent) de l’ennemi se portera bien plus vers la gauche française (très en l’air) que vers la droite (appuyée sur Belfort).  Mais l’État-Major général n’a rien à offrir au général Giraud.

 

Le 28 février 1940, sur l’ordre du général Giraud, le colonel Chambe organise à son P.C. (Saint-Omer) un important Kriegspiel, où est étudiée l’action probable de l’aviation allemande le jour où l’ennemi se décidera à passer à l’offensive.  Tous les généraux de la 7e armée et un certain nombre d’officiers généraux ou supérieurs des armées voisines (parmi lesquels le colonel de Gaulle) assistent à ce Kriegspiel.  Ils en sortent émus et se demandent si le colonel Chambe n’a pas surestimé les forces aériennes de l’ennemi, en particulier le nombre de ses groupes de bombardement et ses possibilités d’action.

 

Hélas, le 10 mai 1940 prouvera surabondamment que ces estimations étaient encore au-dessous de la vérité. Le bombardement simultané de tous les P.C. d’armée, de corps d’armée, voire de divisions, des terrains d’aviation et des nœuds de communications français fera tomber les écailles des yeux du commandement.  Mais trop tard.

 

Au cours de la période 10 mai - 24 juin, les forces aériennes de la 7e armée se battent avec acharnement contre l’adversaire.

Certains ont dit que l’on n’avait pas vu les aviateurs dans la bataille ; la citation collective (qu’on lira plus loin) donnée aux forces aériennes du colonel Chambe par le général commandant la 7e armée prouve largement le contraire.  Elle constitue un magnifique éloge pour le dévouement de nos équipages.  Ce témoignage demeure un grand honneur pour toute l’aviation, où il est célèbre.

 

Le douloureux armistice du 24 juin 1940 signé, le colonel Chambe est atteint par le brutal abaissement des limites d’âge imposé par l’ennemi aux officiers de l’aviation française, réduite à presque rien.  Il est renvoyé chez lui avec les étoiles de général.

Tristes étoiles, triste grade qui ne peuvent causer aucune joie à celui qui les reçoit.  Il aimerait mieux être simple soldat dans une armée victorieuse que général dans une armée battue.

 

Le général Chambe ne se résigne pas à la défaite.  Il a la conviction, la certitude qu’elle n’est pas définitive.  Avec d’innombrables français qui se taisent (et ne peuvent que se taire), il pense qu’un armistice n’est, après tout, qu’un armistice et que, contrairement à celui de 1918, celui-là ne sera pas définitif.  L’Angleterre continue de se battre et cela ouvre, pour l’avenir, toutes les perspectives, tous les espoirs.

 

Il est de cœur avec le général de Gaulle qui, de l’extérieur, clame sa foi dans les destinées de la France et sa volonté de travailler à sa victoire.  Mais il estime que l’on peut travailler au même but en restant provisoirement sur le sol français, pour se préparer et préparer les autres à chasser l’oppresseur le jour où ce sera devenu possible. Il faut des Français en France et en dehors de France pour mener à bien ensemble cette difficile entreprise.

 

Le général Chambe, après des hésitations à passer en Angleterre et à se joindre au général de Gaulle, décide donc de rester, pour un certain temps en France.

Comment servir et préparer l’avenir ?

 

Bientôt le général Chambe (qui fait dans le même temps de nombreuses conférences publiques pour maintenir et stimuler le moral de trop de Français découragés par la défaite et les privations) entre dans un complot dont le but est de faire évader son ancien chef le général Giraud, prisonnier des allemands.

La liaison est établie par code secret avec le général Giraud.  Celui-ci veut s’évader, afin de travailler, lui aussi, de tout son pouvoir à relancer la France dans la guerre, c’est-à-dire dans la victoire dont il a la certitude.  Les conjurés savent à quel point ce chef magnifique sera utile à la France.  Durant plus d’un an ils préparent cette évasion. Et elle réussit.

 

Quand le général Giraud arrive en France, c’est le général Chambe qui l’abrite et le cache sous un faux nom, à la campagne, en Dauphiné, dans une propriété de sa famille.  Là, avec quelques autres officiers (appartenant tous à l’ancienne 7e armée) le général Chambe travaille en grand secret auprès du général Giraud.

 

Le contact est pris avec l’état-major américain.  Le général Weygand, que le général Chambe est allé voir plusieurs fois de la part du général Giraud, s’est récusé.  Ce sera donc le général Giraud qui prendra en mains la direction des opérations en Afrique du Nord, au jour du débarquement anglo-américain fixé au 8 novembre 1942.

Le 4 novembre, le général Chambe a quitté, dans la banlieue de Marseille, le général Giraud qui va s’embarquer dans la nuit à bord d’un sous-marin britannique (le Seraph) qui doit le conduire à Alger.

 

Le général Chambe a été chargé par le général Giraud de plusieurs missions à remplir en France après son départ, en particulier auprès du général Frère, futur chef de l’armée secrète.

Après bien des péripéties et plusieurs tentatives sans résultat de prendre des sous-marins anglais sur les côtes de Provence occupées par les Italiens, le général Chambe se décide à franchir les Pyrénées, malgré l’hiver et la neige.  Il réussit à traverser les montagnes, puis toute l’Espagne, sans être découvert et arrêté par les carabineros.  Embarqué clandestinement à Séville sur un cargo de commerce anglais, il parvient ainsi, à fond de cale, à Gibraltar.  Il se fait reconnaître par le général Mac-Farlane, gouverneur de Gibraltar, avec qui il a été en rapport de service en 1940, sur le front de Belgique.

Celui-ci avertit aussitôt par radio le général Giraud à Alger et met un avion à la disposition du général Chambe, pour le conduire en Algérie.

C’est fin janvier 1943.

 

A sa demande de prendre immédiatement un commandement sur le front de Tunisie, où combattent nos troupes, le général Giraud répond par un refus, déclarant au général Chambe qu’il a constitué depuis peu un gouvernement provisoire et qu’il y a besoin de lui. Il le nomme (et la presse d’Afrique du Nord l’a déjà annoncé) ministre de l’Information.

Le général Chambe doit s’incliner.  Durant quatre mois, il exercera ainsi les fonctions de ministre de l’Information.  C’est à ce titre qu’il aura à conduire avec le colonel américain Hazeltine la Guerre psychologique. C’est une idée à laquelle les Américains, à juste titre, tiennent énormément.  Il s’agit de s’attaquer au moral de l’adversaire, armée et population civile, par la propagande radio, tracts, renvois de prisonniers avec messages, etc...

Le colonel Hazeltine est chef de la Psychological Warfair Section.  Il travaille en collaboration étroite et avec une complète identité de vues avec le général Chambe.  Le moral italien, surtout, est leur premier objectif.  Les effets de leur action se font indubitablement sentir au cours de la bataille de Tunisie et, lorsque au mois de septembre 1943, l’armée italienne se désagrégera et que l’Italie déposera les armes, le colonel Hazeltine et le général Chambe pourront se dire que leurs efforts inlassablement répétés n’y auront pas été complètement étrangers (consulter les archives des textes de communications adressées par radio à l’armée et à la population italienne).  Mais l’entente s’est faite entre le général Giraud et le général de Gaulle.  Ce dernier quitte Londres et vient partager le pouvoir à Alger avec le général Giraud.

 

Le général Chambe cesse ses fonctions de ministre dans ce nouveau gouvernement bicéphale et devient chef du Cabinet Militaire du général Giraud. C’est le 1er juin 1943.

Durant onze mois, il assistera jour par jour au long drame qui va se jouer à Alger, par suite de la mésentente qui va s’établir, puis s’aggraver entre le général de Gaulle et le général Giraud et surtout entre les deux fractions de français, tous cependant passionnément attachés au relèvement et à la libération de leur Pays qu’on a appelé les « gaullistes » et les « giraudistes ».

Lorsque, le 17 avril 1944, le général Giraud accepte, sans réagir (par esprit de patriotique sacrifice, afin de ne pas amener une lutte impie entre partisans) de se retirer de la compétition et de s’éloigner, en retraite, à Mostaganem, tous ses proches collaborateurs se trouvent « à découvert » .  Ils se dispersent en des postes divers.

 

Le général Chambe rejoint en Italie le général Juin, subordonné et ami toujours loyal du général Giraud, commandant un chef du corps expéditionnaire français d’Italie.  Là, affecté à son Cabinet, il aura tout loisir de pouvoir - comme il l’avait souhaité dix-huit mois auparavant, en arrivant à Alger -  revoir l’ennemi face à face.

Servant tantôt dans une unité, tantôt dans une autre, le général Chambe, enlevant les étoiles de ses manches, se battra maintes fois comme simple soldat, au milieu des tirailleurs qui ne le connaissaient pas.  Ce sera sa grande satisfaction, sa grande récompense.  Il prendra part ainsi à la plupart des combats de la campagne d’Italie et à l’entrée victorieuse à Rome (5 juin 1944).

Le général de Monsabert, commandant la 3e Division d’Infanterie Algérienne, tiendra à fixer dans un texte la conduite du général Chambe dans sa division.  Il la porte à la connaissance de ses troupes par un « ordre général » et nomme le général Chambe tirailleur de 1re classe au 3e Régiment de Tirailleurs Algériens (voir texte plus loin).

 

La campagne d’Italie achevée, le général Chambe va participer à celle de France.

Le 15 août 1944, à bord d’un transport de troupes L.S.T. il prend part au débarquement de vive force sur les côtes de Provence, dans la baie de Saint-Tropez, avec un détachement de chasseurs.  A ses côtés, se tient le commandant William Bullitt, ancien ambassadeur des États-Unis à Paris, en 1939 et 1940.  William Bullitt a voulu marquer son attachement à la France, en servant sous l’uniforme français, au milieu des troupes françaises, avec le grade de chef de bataillon français.  Il fera ainsi une grande partie de la campagne de France et d’Allemagne avec le général Chambe, pour lequel il conservera la plus vive amitié.

 

Le général Chambe est affecté au Cabinet du général de Lattre de Tassigny, comme il le fut, en Italie, à celui du général Juin.  Cela lui permet d’assister, ou de participer, à toutes les grandes opérations, jusqu’à la capitulation de l’Allemagne (8 mai 1945).

 

Les hostilités terminées, le général Chambe restera en occupation en Allemagne jusqu’à ce qu’une nouvelle fois atteint par la limite d’âge (les limites d’âge de la défaite de 1940 avaient été, bien entendu, révisées) il devra prendre sa retraite (2e Section du cadre de réserve) et regagner la France (avril 1946).

 

C’est alors que va s’ouvrir, après la carrière du soldat, celle de l’écrivain.  Sa retraite lui permettra cette contemplation permanente de la nature et souvent de ses chères montagnes.  Ainsi, ce grand chasseur deviendra ce délicieux conteur cynégétique qui fera revivre tant de souvenirs de chasse.  Nul, comme lui, n’a su dépeindre avec une telle intensité ces intrépides chasseurs en montagne.

 

 

L’Écrivain

 

 

Tout en poursuivant sa carrière militaire, le général Chambe entreprit une carrière d’écrivain.  En le décidant, un des buts qu’il s’était proposés était de mieux faire connaître au public le domaine de l’air et de l’aviation.

 

Ses débuts datent de 1927.

 

Avant la guerre de 1939, il a publié 7 ouvrages :

- Le Bracelet d’ébène (Prix Maurice Renard, de la Société desGens de Lettres).

- Sous le Casque de Cuir (Médaille d’or de l’Aéro-Club de France).

- Altitudes.

- Dans l’enfer du ciel (Ouvrage couronné par l’Académie française).

- Enlevez les cales ! (Grand Prix Littéraire de l’Aéro-Club de France).

- L’Escadron de Gironde (Ouvrage couronné par l’Académie française).

- Hélène Boucher, pilote de France.

 

Au lendemain de la guerre de 1939-1945, le général Chambe à repris son oeuvre, pour un temps interrompue.

Il a depuis la fin des hostilités publié 4 nouveaux ouvrages :

- Equipages dans la fournaise.

- Le 2e Corps attaque.

- Guynemer.

Et une oeuvre considérable :

- Histoire de l’Aviation,

 

auxquels il faut ajouter pendant sa retraite en Limousin :

- L’épopée française d’italie.

- Le Bataillon du Belvédère.

- Au temps des carabines.

- Souvenirs de chasse pour Christian.

- La bataille du Garigliano.

- Le Maréchal Juin, duc de Garigliano.

- Le cor de Monsieur de Boismorand.

- Au carrefour du Destin.

- Propos d’un vieux chasseur de coqs.

- Adieu, cavalerie !

- Route sans horizon.

- Les cerises de Monsieur Chaboud.

 

Avec ce total de 23 livres il convient de signaler de très nombreux articles parus dans la presse et diverses revues et périodiques, en particulier dans la Revue des Deux-Mondes dont il a été un collaborateur assidu avant la guerre de 1939.

Enfin, de nombreuses conférences en France et à l’étranger.  Le sujet dont il traite le plus souvent est, bien entendu, le domaine de l’air et l’aviation.

Mais cette courte biographie serait incomplète sans évoquer son épouse, Suzanne, qui pendant les années d’épreuve de séparation avait montré tant de courage et n’avait pas hésité à se marier en pleine guerre le 2 février 1918, écrivant à son fiancé qui lui proposait d’en attendre la fin pour ne pas l’exposer à devenir peut-être veuve :

« Marions-nous au contraire, le plus vite possible ! Je n’ai pas eu de frère, mon père est trop âgé pour porter les armes.  Ne me refusez pas l’honneur d’avoir un mari sur la ligne de feu et de courir des risques avec lui ! Rassurez-vous, je ne vous demanderai jamais de revenir à l’arrière, ni d’abandonner l’aviation. Et puis du moment que nous serons deux, Dieu vous protègera doublement. »

Et il en fut ainsi.

 

Quarante ans plus tard le général Chambe a dû surmonter la cruelle épreuve de la perte de cette admirable épouse ravie trop tôt à l’affection de tous les siens et qui avait toujours été étroitement liée à tous les événements de sa vie.  C’est en rédigeant, ses souvenirs d’enfance, après plusieurs années de recueillement, qu’il a puisé la force de reprendre sa plume et a écrit ses 9 derniers livres, ayant survécu 25 ans à sa femme.

 

Mais, en 1978, une nouvelle épreuve l’attendait ne plus pouvoir chasser, ne plus pouvoir marcher, ne plus pouvoir écrire.  Mais son esprit ayant conservé toute sa lucidité et sa mémoire sa sûreté, il dictait ses derniers livres et continuait à entretenir une abondante correspondance.

 

Et puis, à 94 ans, par une radieuse journée d’automne, le 24 novembre 1983, il s’est doucement éteint en Provence chez une de ses filles ayant conservé jusqu’au bout une étonnante présence.  Son dernier livre « Les Cerises de Monsieur Chaboud » venait de sortir :

Cela a été sa dernière joie.

 

 

 

 

 

 

SOUS-LIEUTENANT CHAMBE. ESCADRILLE MS. 12

5 avril 1915Citation à l’ordre de l’armée

 

« A donné la mesure de son audace et de son sang froid, en abattant après un combat à bout portant un avion ennemi qui venait de lancer des bombes sur une localité » (Reims).

    Fait chevalier de la Légion d’honneur par ordre D. le même jour.

 

 

LIEUTENANT CHAMBE. ESCADRILLE MS. 12

2 juillet 1916.  Citation à l’ordre de l’armée

 

« Officier pilote de très grande bravoure. Exemple de l’escadrille. Volontaire pour les missions les plus lointaines et les plus périlleuses. »

« Le 20 juin 1916, au retour d’une reconnaissance, ayant aperçu un camarade d’une escadrille voisine attaqué par quatre avions ennemis, s’est précipité à son secours, l’a dégagé et est rentré avec son appareil criblé de balles. »

 

 

CAPITAINE CHAMBE. CHEF D’ESCADRILLE

(MISSION ROUMAINE)

29 juillet 1917. Citation à l’ordre de l’armée

« Très bon pilote.  Excellent chef d’escadrille, entraînant par son exemple personnel les pilotes de son unité.  Le 23 juillet a attaqué, seul, deux avions ennemis au-dessus des Carpates, les a mis en fuite et a été, dans ce combat, grièvement blessé d’une balle dans le pied. »

 

 

 

 

 

 

GUERRE DE 1939-1945

 

 

 

COLONEL CHAMBE. COMMANDANT LES FORCES AÉRIENNES

ET ANTI-AÉRIENNES DE LA 7e ARMÉE

Citation à l’ordre de l’armée

« Durant toute la campagne et jusqu’à la fin des hostilités, les forces aériennes et les forces terrestres anti-aériennes de la 7e armée n’ont cessé d’apporter aux troupes de terre l’appui le plus précieux et le plus efficace. »

 

« Constamment sur la brèche et sous l’impulsion d’un chef énergique, payant à toute heure de sa personne, le colonel Chambe, les équipages des forces aériennes, malgré leur grande infériorité numérique, se sont dépensés sans compter, tenant tête avec acharnement à leurs adversaires, tant dans l’observation, que dans la chasse et le bombardement.  Au prix des plus lourdes pertes et avec une magnifique camaraderie de combat, qui ne s’est jamais démentie, même aux pires heures de la retraite, ils ont fait preuve d’un esprit de sacrifice et d’abnégation au-dessus de tout éloge. »

 

« C’est en particulier, pour une grande part, grâce aux renseignements fournis sans arrêt par l’aviation, que le général commandant la 7e armée a pu être informé à toute heure de la situation et que la plus grande partie des effectifs et du matériel de l’armée a pu être sauvé de la captivité et de la destruction. »

 

Le 9 juillet 1940

Le général commandant la 7e armée

Signé Frère

 

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